Faire de la musique signifie exprimer l’intelligence humaine par des moyens sonores. Intelligence dans le sens le plus large qui comprend non seulement les cheminements de la logique pure, mais aussi ceux de la logique des affectivités et de l’intuition.
Iannis Xenakis
Miroirs
"Un double" ?
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, en musique instrumentale française, une variation attachée à un thème précédemment exposé.
Plus largement, un travail d'après modèle.
Ce que nous ne cessons de faire - piller, copier, imiter -, je veux ici l'avouer, plus, le fixer.
La lecture des écrits, partitions de Xenakis, l'analyse de certaines d'entre elles, l'écoute répétée, particulièrement de Persephassa, ont défini cet horizon indispensable à la "vision" artistique.
Par "vision", j'entends clarté de l'idée, celle qui naît du mouvement répété, opiniâtre de l'esprit contre, tout contre la matière. Guère de mystique... même si les mots utilisés pour circonscrire le discours musical - ces cellule, motif, phrasé, réseau, partie, courbe ou autre schème - ne peuvent rendre compte de la fragilité de celui qui tient le plume face aux questions qui le surplombent: ce son est-il nécessaire... puis cet enchaînement...; comment parvenir à l'équilibre - le Tao parle d' " Egalisation mystérieuse" ?
J'aime ces mots d'Antonin Artaud, dans sa Préface aux 50 dessins pour assassiner la magie :
"alors je me lève
je cherche
des consonances, des adéquations
de sons."
Quels sons, quelles consonances, dans quelles adéquations ?
La disposition proposée par Xenakis pour Persephassa, en six points équidistants entourant le public, invite à des raffinements particuliers, liés à cette possibilité d'écoute singulière. Notions d'espace, d'écho, de lointain, baignée dans l'hétérophonie naturellement créée par la distance entre les interprètes.
J'ai choisi de concentrer mon travail sur ces décalages... afin de produire comme une "loupe auditive", permettant d'écouter plus attentivement les multiples jeux de variations posées simultanément à leur idée première.
Le décalage, le malentendu, l'équivoque nous enserrent alors dans l'espace partagé par musiciens et auditeurs.
Artaud (plus loin), pour finir :
"mais j'oubliais de
dire que ces
consonances ont un sens,
je souffle, je chante,
je module
mais pas au hasard
non..."
Martin Moulin, fév.-mars 2008.
Télécharger le dossier artistique de la création (pdf : 1,5 Mo)
Martin Moulin : Sextuor (2008)
Pour 6 percussionnistes spatialisés autour du public.
Durée : 1 heure environ
Percussions :
Clarissa Severo de Borba
Jean-Baptiste Couturier
Mathias Deschang
Jean-Christophe Garnier
Lionel Le Fournis
Vincent Mauduit
Son :
Benoît Courribet
Coordination artistique :
Martin Moulin
Création à la Fonderie, dans le cadre du Festival de l'Epau, le 28 mai 2008 (Sextuor est une commande du Festival de l'Epau).
Reprise au Parc Elan d'Alençon, le 16 mai 2009.
Miroirs a fait l’objet en 2010 d’une captation filmée par le vidéaste David Ayoun.
Le CD-DVD Miroirs est disponible au prix de 20 euros.