Gute Nacht, gute Nacht !
Bis alles wacht,
Schlaf’ aus deine Freude, schlaf’ aus dein Leid !
Der Vollmond steigt,
Der Nebel weicht,
Und der Himmel da oben, wie ist er so weit!
Bonne nuit ! Bonne nuit !
Avant que tout s'éveille,
Dors pour oublier ta joie et ta douleur !
La lune pleine monte,
Le brouillard se dissipe,
Et le ciel tout là-haut, comme il est vaste !
Wilhelm Müller
LA BELLE MEUNIÈRE
Extraits de La belle Meunière / Die Schöne Müllerin d'après Franz Schubert.
À l’origine de notre relecture de La Belle meunière – ce cycle d’une beauté hypnotique de Franz Schubert – il y a la proposition de Harry Rosenow, alors directeur de la Scène conventionnée du Mans d’un travail
multi-artistique issu du texte de Nathanael Hawthorne. La lecture de cette nouvelle opposant idéalisme et matérialisme me fit immédiatement penser aux idées charriées par le texte de Whilhelm Müller mis en musique par Schubert : marginalité de l’artiste dans un monde affairé, mélancolie de l’incapacité à vivre la fraternité, à mesurer la fragilité du « beau », trajectoire d'un amour impossible et tendant au désespoir (ou à la renaissance...).
La Belle meunière, dans cette singulière réinvention, est devenue la musique du Temps du papillon, création multiple proposée pour l’inauguration du Théâtre des Quinconces en mai 2015,
en collaboration avec les artistes Brigitte Asselineau, Isabelle Duthoit, Pascale Nandillon, Frédéric Tétart, Magali Rousseau ainsi que les troupes de musiciens, chanteurs, danseurs et comédiens amateurs.
En 2016, lors des reprises de La Belle meunière dans sa version concert (quelques modifications plus tard…), nous avons pu approfondir nos recherches sonores…
Emprunts de Schubert
Que veut dire revenir à un cycle que l’on connaît déjà par cœur, maintes fois analysé, étudié, ausculté ? C’est une des questions que nous nous sommes posés à la troupe de musiciens de cette création. À partir de propositions de jeu plus ou moins précisées que je pouvais apporter, nous avons tenté de mêler, le plus spontanément possible, nos envies. Nous avons voulu nous souvenir de la joie collective qui était sans nulle doute celle que ressentait Schubert et ses amis lors de ces soirées musicales (que la postérité retiendra sous le nom de « schubertiades »), pendant lesquelles le compositeur et ses amis poètes, chanteurs, inventaient de petites formes poético-musicales.
Schubert sait faire rayonner la tristesse et blêmir la joie
Chez Schubert règne l’art de l’ambigüité. Et jamais nous ne saurons si La Belle meunière finit bien ou non. Et c’est au creux de cette ambigüité troublante, fertile, que nous avons souhaité poser nos propres pas, livrant cette extension empreinte de Schubert. Car chez lui une joie rustaude, un enthousiasme digne des tavernes de Grinzing peut laisser place à la mélancolie la plus amère – chaque sentiment semblant le réversible permanent d’une constellation de sentiments contradictoires. Schubert sait faire rayonner la tristesse et blêmir la joie.
Ne rien se refuser
Avec tous les moyens qui étaient à notre disposition – modes de jeux instrumentaux ou vocaux hérités des langages contemporains, pratiques particulières des musiciens d’Offrandes (instruments de musique ancienne, de musique extra-européenne), matière enrichie d’instruments jouets, tous par ailleurs parlant, chuchotant, chantant… – nous nous sommes attachés à souligner les contrastes déjà marqués dans l’original, Schubert frayant son chemin par à-pics, coq-à-l’âne.
Fougue populaire
Et nous avons voulu ne rien nous refuser : superpositions issues des Europeras de John Cage d’une très grande densité ou au contraire effacement jusqu’au fil musical le plus ténu, où l’expression fait la part belle au silence ; orchestrations très travaillées, jouant des timbres, des alliages, des préparations ou des détournements d’instruments ; ou à l’inverse brutalité extravertie venant renforcer la fougue populaire que contient aussi Schubert – qui n’a rien oublié de son temps, rien rejeté de son époque, mais l’a fait sien.
Mise en perspective de l’original et de l’extension
Dans l’idée d’une mise en perspective de ce travail d’extension pour deux voix et ensemble, il pourra être profitable de proposer aux publics une écoute du cycle écrit par Schubert en 1823 avant de découvrir le travail de l’Ensemble Offrandes, réalisé près de deux siècles plus tard.
Martin Moulin (2014/2022)
Télécharger le dossier artistique de la création (pdf : 2,98 Mo)
La belle Meunière / Die Schöne Müllerin d'après Franz Schubert, mai 2015, (extrait).
Explorations pour Ensemble
Martin Moulin, d'après Franz Schubert
Avec
Laure Balteaux violoncelle et violoncelle baroque
Samuel Boré piano
Stéphane Charlot saxophones
Anne-Emmanuelle Davy voix
Jean-Christophe Garnier percussions
Guillaume Grimal clarinettes
Eric Le Chartier trombone, sacqueboute
Olivier Mingam violon
Poline Renou voix
Martin Moulin direction
Reprises :
le 16 avril 2016 aux Moulins de Paillard à Poncé-sur-le-Loir (72).
les 18 et 19 avril 2016 à la Fonderie, Le Mans.